Affiche« Un appel du préfet »

UN APPEL DU PRÉFET
Chers Concitoyens,
A plusieurs reprises, sous la pression des épreuves douloureuses que subit la Ville de Nantes, nous
avons conseillé aux personnes dont la présence n’était pas indispensable à la vie de la cité de s’en éloigner.
Le faisant, nous pensions surtout aux vieillards, aux femmes, aux enfants.
Pour aider les familles a accepter cette situation. nous avons précisé les zones dangereuses devant être évacuées au plus tôt et accordé a ceux gui ont voulu nous entendre le maximum des allocations et indemnités prévues par les règlements en vigueur.
Trop de gens encore n’ont pas compris le sens de nos conseils ; nous les renouvelons une dernière fois.
IL EST ABSOLUMENT NÉCESSAIRE que les quartiers à proximité des gares et des ponts soient évacués au plus tôt et totalement. IL EST ABSOLUMENT NÉCESSAIRE que les gens inutiles à l’activité présente de la cité quittent la ville elle-même, en raison des risques de nouveaux bombardements meurtriers et aveugles.
Tout chef de famille doit avec calme, avec réflexion, avec résolution, prendre ses responsabilités. Elles relèvent autant du sentiment que de la raison. Elles sont donc claires et impérieuses pour chacun de vous et des vôtres.
Il en est parmi vous cependant pour lesquels un départ serait une véritable lâcheté. Ce sont ceux qui, à un titre quelconque, de par leur activité, leur situation sociale. leur profession, représentent un élément essentiel de la vie économique de la cité.
CEUX-LA DOIVENT RESTER A LEUR POSTE.
C’est pour eux une obligation, un devoir auxquels ils ne peuvent se soustraire.
Nous faisons donc appel à leurs sentiments de patriotisme et de civisme.
FONCTIONNAIRES. EMPLOYÉS, COMMERÇANTS, OUVRIERS, c’est précisément parce que les heures sont difficiles que vous devez apporter dans votre tâche quotidienne un souci plus grand de dignité et de courage.
Le sens du devoir est devenu, pour chacun de vous, plus précis et plus concret.
Il se peut que, par suite des événements de guerre, certaines industries, certaines entreprises ne puissent vous procurer le travail normal auquel vous étiez astreints jusqu’ici.
Être chômeur à Nantes en ce moment serait un non-sens, une indignité.
Nantes est devenu un immense chantier où toutes les énergies peuvent être employées.
Beaucoup parmi vous, ouvriers nantais, donnant un splendide exemple de dévouement et de solidarité, sont déjà occupés à penser les blessures immenses faite à notre cité.
Il y a hélas, du travail pour beaucoup d’autres.
Ceux qui sont en congé devront rejoindre leur entreprise à l’expiration du congé ; ceux qui sont en chômage doivent se présenter à l’Office du Travail qui vient d’être créé, 8, rue Lekain, sous peine de se voir supprimer toutes allocations de chômage et de réfugié.
Gagner sa vie et celle des siens en accomplissant une œuvre de solidarité purement française, est une bonne action en même temps qu’un geste courageux, puisque puisant son sens dans les malheurs mèmes de la Nation.
C’est a cette bonne action, à ce geste courageux que nous vous convions, ouvriers nantais, fermement convaincus qu’une fois encore vous saurez, par votre attitude laborieuse et digne, vous imposer aux sentiments de gratitude d’une population qui, accablée par des épreuves douloureuses, n’en a pas moins conserver le sens de la dignité et de la reconnaissance.
Le Préfet : Georges GAUDARD.