Coucou,
Mon site, comme vous pouvez le voir, est en pleine restructuration !
Ravalement de façade et un peu de lubrification dans la mécanique !
Ma dernière sauvegarde étant du mois de septembre, je remets à jour les derniers articles, mais rien n’est perdu...
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La météo a tenu promesse : pluie et vent ! Cela n’a pas empêché de rassembler près de 2 000 personnes ce dimanche 20 octobre 2024, à Châteaubriant, pour la commémoration en hommage aux otages exécutés par les nazis, dont 27 ici, mais aussi dans d’autres lieux, en octobre 1941. Dans le champ jouxtant la ferme devenu le Musée de la Résistance local, resté ouvert toute la journée, des barnums ont été dressés par le syndicat C.G.T. des mines et de l’énergie, afin d’apporter un abri et aussi de la restauration rapide.
Depuis le rond-point Fernand Grenier, où un hommage lui a été rendu par Alexandre Valente, Secrétaire de section du Parti communiste de Meaux, « fier et ému d’être ici pour continuer à faire vivre cette mémoire », une longue colonne de personnes, précédée par la fanfare, les porte-drapeaux, les porteurs de gerbes et les élus, se sont rendus à pied jusqu’à La Sablière. Dans la Carrière de Fusillés, où 27 Résistants ont été exécutés par les nazis, un vibrant hommage a été rendu par les personnalités locales et nationales. Les enfants d’écoles sont venus apporter des terres de lieux de martyrs afin de remplacer celles de certaines alvéoles sous le monument ; l’année prochaine, de nouvelles terres viendront s’ajouter avec la même démarche pédagogique.
Carine Picard-Nilès, Présidente de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt, le rappellera : « Depuis 83 ans, permettez-moi de le répéter, 83 ans, nous, familles, amis, camarades, passants, sommes encore là pour égrener leurs noms et les honorer. Ces 27 gars sont morts fièrement pour leur pays et leur idéal de paix et de fraternité, ici à Châteaubriant, mais aussi 16 à Nantes, 5 au Mont Valérien et 50 autres le 26 octobre à Souge. »
Cette bien trop longue liste des 27 fusillés fût égrenée, puis les dépôts de gerbes se sont succédés. Après le salut aux porte-drapeaux, Carine Picard-Nilès a été invitée à venir prononcer son allocution sur scène. Une allocution rappelant les raisons d’exister de l’Amicale avec un combat ô combien d’actualité « à l’heure où l’individualisme nous isole, nous rend fragile et réceptif à des discours populistes, les fascistes en France et dans le monde reprennent le dessus.
Ne cédons pas aux chants des sirènes et ne nous résignons pas à la fatalité d’une troisième Guerre Mondiale voulue par des dirigeants totalitaires, assoiffés d’argent. »
À son tour, et pour la première fois ici, la nouvelle Secrétaire générale de la C.G.T., Sophie Binet, a prononcé la sienne. Elle rappelle qu’aujourd’hui, « l’histoire bégaye. Dans de plus en plus de pays occidentaux l’extrême droite est aux portes du pouvoir. Pourquoi ? Parce que l’héritage de la résistance n’a jamais été aussi fragilisé. [...] Résister, c’est faire primer l’essentiel, notre humanité commune. [...] L’unité est le seul moyen d’empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir. Refusons, dénonçons sans relâche les petits calculs politiciens qui aujourd’hui comme hier remettent l’extrême droite au centre pour empêcher les avancées sociales. »
Une évocation historique composée de trois tableaux théâtraux a été proposée par Le Théâtre des Oiseaux : « Les planches de la baraque 6 à Choisel », « La mission Rex » et « Le droit de vote des femmes en France ».
En fin de représentation, la pluie s’est remise au travail. Le public s’en est allé rejoindre les nombreux cars ou leur voiture.
Je suis fier et ému de pouvoir être ici aujourd’hui pour rendre hommage à nos camarades, tombés pour que nous puissions vivre libres. Fier et ému d’être ici pour continuer à faire vivre cette mémoire, et je tenais à remercier tous ceux et celles qui rendent cela possible de par leur engagement, et en particulier à l’amicale de Châteaubriant.
Nous sommes réunis ici pour rendre hommage à Fernand Grenier, né en 1901 à Tourcoing, il adhère en 1922 au PCF. Militant toute sa vie, luttant toujours pour notre classe, il est de ceux dont la vie éclaire notre chemin, des combats du quotidien et de ceux qui écrivent l’Histoire, qui font prendre chair à la maxime de Lénine "Là où il y a une volonté, il y a un chemin".
Engagé à Halluin, il y sera secrétaire des Jeunesse Communiste et secrétaire particulier au maire. Dès 1925, il écrit dans divers journaux communistes ou syndicaux. De 1935 à 1937, il est chargé de reprendre Saint-Denis à Doriot et ses partisans, son succès l’amène à être élu député de Saint-Denis en 1939.
Dès 1940, il participe à l’organisation de la résistance et écrit des tracts contre Vichy et l’Allemagne nazie. Il est arrêté le 5 octobre 1940 et connaît camps et prisons jusqu’à Châteaubriant dont il s’évade le 18 juin 1941. Revenu à Paris, il y reprend la rédaction de journaux clandestins et représentera le P.C.F. auprès de la "France combattante" à Londres avant d’être ministre dans le gouvernement provisoire d’Alger en avril 1944.
En mars 1944, il présente le texte instituant le vote des femmes à toutes les élections. Il sera député de la Libération à 1968. Il fait partie des fondateurs de l’amicale de Châteaubriant et en est le président de 1976 à sa mort en 1992.
« Les copains qui restez, soyez dignes de nous ». Comment ne pas être émus, ne pas faire notre autocritique, face aux gravures de nos camarades fusillés présentes ici au musée de la Résistance ? Comment se sentir dignes, quand l’espace médiatique et politique se nécrose chaque jour davantage des thèses mortifères de l’extrême-droite, quand nos organisations politiques et syndicales perdent des adhérents et peinent à recruter parmi les jeunes et les masses laborieuses ? « Ami si tu tombes... », combien des nôtres sont tombés et tombent encore sans relève ?
Pourtant, cette situation n’est pas une fatalité. Une page de formation de nos camarades est présente ici au musée. Ils s’y interrogent « Quels sont les moyens que possède le Parti pour se lier aux masses ? » et répondent « le Prolétariat s’est surtout organisé sur la base de la défense de ses intérêts immédiats ». La gangrène fasciste prospère là où nous déclinons, où nous baissons les bras. Alors haut les cœurs mes camarades, changer la vie disait Rimbaud, changer le monde disait Marx, les deux ne font qu’un pour nous. « Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent » écrivait Hugo. Nos camarades ont lutté, et ils vivent encore aujourd’hui, dans la flamme de nos luttes, de nos colères et de nos espoirs. De cette flamme qu’il nous incombe aujourd’hui de porter. « Honte à qui trouve sa limite, à qui sa limite suffit » disait Aragon.
Dès demain, comme hier, à nous d’aller convaincre, organiser, militer, gagner et renforcer nos organisations.
À nous de nous montrer dignes d’eux.
À nous d’aller embraser l’espoir de nouveaux jours heureux en France.
Et que vive la République, que vive les jours heureux, et que vive la Résistance.
Alexandre Valente,
Secrétaire de la section du PCF de Meaux
Monsieur Le Préfet,
Monsieur le Député,
Madame la Sénatrice,
Monsieur le Maire, cher Alain Hunault,
Mesdames, Messieurs les élus en vos grades et qualités,
Mesdames, Messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames et messieurs les Présidents d’associations du monde combattant et de la mémoire,
Chères familles de fusillés, d’internés et déportés,
Chère Denise Bailly-Michels,
Chère Sophie Binet, secrétaire générale de la C.G.T.,
Chère Shirley Wirden, représentante du Conseil National du Parti Communiste Français,
Chers, Assan Lakehoul pour le Mouvement des Jeunes et des étudiants Communistes de France,
Mesdames et Messieurs,
Vous, la Jeunesse venue de toute la France,
Chers amis, chers camarades,
80 ans déjà, 80 ans seulement !
En août 1944, il y a 80 ans, Paris se libère grâce aux alliés, mais surtout grâce à tous les mouvements de Résistance unis au sein du Conseil National de la Résistance dès mai 1943 sous la houlette de Jean Moulin et De Gaulle. Ce n’était pas sans concession, mais dans un esprit supérieur de rassemblement pour la Liberté et la Paix.
Mais n’oublions pas :
Qu’en 1933, Hitler arrive au pouvoir élu par le peuple. Rien n’a été fait pour mettre à bas le régime hitlérien, quand c’était encore possible.
N’oublions pas qu’en 1938 le patronat criait « plutôt Hitler que le Front Populaire ».
N’oublions pas qu’en 1944 rien n’a été fait non plus pour détruire, les accès aux chambres à gaz, dont l’existence était connue afin d’éviter des milliers de morts.
Quelles leçons en tirer ?
La première d’entre elles, celle à laquelle s’attache l’Amicale depuis sa création en 1945 dans son travail de Mémoire, qui est, de ne JAMAIS OUBLIER et de transmettre la Mémoire de ces hommes et ces femmes qui ont donné leur vie ou une partie de leur jeunesse pour que nous vivions en France, en liberté et en démocratie.
Ne JAMAIS OUBLIER en œuvrant auprès de la jeunesse des écoles, des Collèges, des lycées et de leurs enseignants.
Ne JAMAIS OUBLIER en rappelant l’Histoire comme avec les mots d’Odette Lecland-Nilès internée à Choisel, décédée à 101 ans l’année dernière. Je cite : « Ce 22 octobre, notre baraque compte 48 femmes, arrivées au camp le 15 septembre 1941, venant de la prison de la Roquette, certaines avaient subi des condamnations de la cour martiale allemande pour rédaction ou diffusion de tracts anti-allemands (…). Dans notre camp, séparé du camp P 1 par des barbelés, nous avions à droite deux baraques d’internés politiques hommes, une baraque d’espagnols, et à notre gauche deux baraques d’internés de droit commun (souteneurs et prostitués). Enfin perpendiculaire à la nôtre, la baraque 19, dite baraque des otages, entourée de barbelés et dans laquelle sont enfermés 27 de nos meilleurs camarades. Parmi eux, les deux ex-responsables de camp que nous avions élus, Jean-Pierre Timbaud et Jean Poulmarc’h. Depuis deux jours, le camp est gardé par des soldats allemands et le règlement est d’une sévérité renforcée. Enfermées dans les baraques depuis la fin du jour, nous savons qu’à la suite d’un attentat contre un officier allemand, 100 otages doivent être exécutés. »
N’oublions pas que la liste des fusillés a été établie par le sinistre ministre français de l’intérieur, Pierre Pucheu. Une condamnation à mort envers ses anciens adversaires du Front Populaire de 1936, dont leur unique crime était d’être des élus communistes, des responsables du syndicat C.G.T., des métaux, des cuirs et peaux, du papier carton, qui avaient arrachés les congés payés au patronat. Mais aussi des médecins, des instituteurs, des étudiants organisateurs des premières manifestations, dont celle du 11 novembre 1940 avec Guy Môquet et Claude Lalet.
Elle ajoute : « 27 hommes, choisis, scrupuleusement, nos amis, nos frères, ceux-là même qui nous avaient accueillis avec des marguerites dans des boites de conserves. Ils aimaient leur famille, leur métier, leur Parti communiste français, leur syndicat C.G.T., le sport, la culture, apprendre, transmettre. Vivre !
Ils ont été stoïques devant la mort simplement parce qu’ils ne regrettaient rien de ce qu’ils avaient fait. »(…)
« Enfermées dans nos baraques barricadées, nous cherchons à apercevoir les otages qui sortent pour se diriger vers les camions, Tintin en tête, pale et tête nue, d’un calme et d’une dignité impressionnante. Nous entendons un « salut camarade », « embrassez ma fille ». La tension est à son comble quand tout à coup, un à un, puis tous ensemble, nous reprenons en chantant puis en hurlant la Marseillaise entonnée par les otages. »
À 16 h 30, ici même, dans cette carrière, tout est fini, ils sont morts en laissant, un impérissable souvenir et leur immortel exemple.
Dans le camp, le soir de ce 22 octobre, tous les internés spontanément se sont rassemblés au milieu du camp et ont fait l’appel des fusillés.
Depuis 83 ans, permettez-moi de le répéter, 83 ans, nous, familles, amis, camarades, passants, sommes encore là pour égrener leurs noms et les honorer.
Ces 27 gars sont morts fièrement pour leur pays et leur idéal de paix et de fraternité, ici à Châteaubriant, mais aussi 16 à Nantes, 5 au Mont-Valérien et 50 autres le 26 octobre à Souge.
Le travail de Mémoire nous engage tous pour penser et créer l’avenir, un avenir que « Nous » Membres de l’Amicale, en mémoire de tous les nôtres, nous refusons de voir assombri par la haine de l’autre qui prolifère sur le terreau fertile de l’ignorance.
À l’heure où l’individualisme nous isole, nous rend fragile et réceptif à des discours populistes, les fascistes en France et dans le monde reprennent le dessus.
Ne cédons pas aux chants des sirènes et ne nous résignons pas à la fatalité d’une troisième Guerre Mondiale voulue par des dirigeants totalitaires, assoiffés d’argent.
Les 27 fusillés de Châteaubriant ont donné leur vie fièrement, avec conviction et dignité pour servir l’intérêt général, défendre LA liberté, défendre NOTRE liberté contre le fascisme.
Alors, c’est un minimum à l’heure ou leurs voix s’éteignent, rallumons le flambeau de la Résistance et soyons dignes d’eux.
Ne laissons aucun espace à des adorateurs ou ex-adorateurs du fascisme, à des négationnistes, à des étrangers à la liberté, à l’égalité et à la fraternité.
Vive la Résistance !
Vive la Paix !
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les Présidents d’associations,
Monsieur le maire de Châteaubriant,
Mesdames, Messieurs,
Chers camarades,
Chère Carine,
Ici, dans cette Carrière de la Sablière, nous sommes remplis d’émotion en
pensant à nos 27 camarades qui y furent fusillés il y a 83 ans, le 22 octobre 1941.
Leur seule faute : être des militants. S’être insurgés contre la capitulation du
gouvernement français dirigé par Pétain. N’avoir pas toléré que notre pays soit livré au nazisme hitlérien. Avoir défendu la liberté.
Ce 22 octobre, ce sont 48 otages qui sont exécutés, ici à Châteaubriant mais aussi à Nantes et au Mont-Valérien en représailles de l’exécution du chef de la Kommandantur de Nantes par trois résistants. Deux jours plus tard, ils seront suivis par 50 otages exécutés au camp de Souge près de Bordeaux, puis par 95 autres le 15 décembre 1941. Combien d’autres par la suite ?
La liste des fusillés de Châteaubriant fût établie par les autorités françaises sous les ordres du ministre de l’Intérieur Pucheu qui intervient alors pour « obtenir des Allemands qu’ils choisissent de préférence des militants communistes avérés ». Ce choix fut expliqué « pour éviter de laisser fusiller cinquante bons Français » selon les propos de ce sinistre ministre. Parmi eux, se trouvaient 17 militants de la C.G.T., dont les secrétaires généraux de 5 fédérations de la C.G.T. : Jean Grandel des Postes, télégraphes et téléphones">P.T.T., Désiré Granet du Papier-Carton, Charles Michels des Cuirs et Peaux, également député du front populaire, Jean Poulmarc’h des Produits chimiques, Jules Vercruysse du Textile. Parmi eux également [Jean-Pierre Timbaud_>https://www.amicaledechateaubriant.fr/timbaud-pierre-31-ans/], secrétaire de la maison des métallos de Paris et Victor Renelle, un des fondateurs de la fédération C.G.T. de la chimie. Parmi eux plusieurs élus, députés, maires ou conseillers généraux.
Guy Môquet, le plus jeune, était à peine âgé de 17 ans. Il n’était pas dans les listes de Pucheu, ce sont les Allemands qui l’ont rajouté en fonction de leur propre politique de terreur. Il n’a jamais parlé lors des interrogatoires violents qu’il a subis. Son principal chef d’accusation était d’être le fils de Prosper Môquet, secrétaire général adjoint de la fédération C.G.T. des cheminots, député du front populaire, et de l’avoir soutenu lorsqu’il fut arrêté puis déporté en Afrique du Nord.
Leurs camarades étaient de professions diverses, ouvriers, imprimeurs, chaudronnier, Cheminots, métallos, gaziers, médecins, ingénieur, enseignants ou étudiants.
Tous figurent parmi les rares résistants de la première heure. Dès 1940, dans un océan de lâcheté ordinaire, alors qu’une majorité de français se soumet à la « révolution nationale » et assiste aux rafles, arrestations, mesures racistes et antisémites, ils refusent de baisser la tête. Ils reconstituent les syndicats interdits par Vichy. Ils organisent l’action clandestine et la propagande. Ils manifestent même avec beaucoup d’inconscience comme Claude Lalet qui initie la manifestation étudiante du 11 novembre 1940. Et ils gardent la tête haute jusqu’à leur exécution, chantant avec les 400 prisonniers du camp la Marseillaise, L’Internationale et la Jeune Garde et refusant d’avoir les yeux bandés au poteau d’exécution.
Le massacre de Châteaubriant inaugure la « politique des otages » des forces d’occupation allemandes et de leurs complices français qui souhaitaient par ces tueries empêcher que se développe une force de rébellion et tuer dans l’œuf tout espoir.
On le sait, c’est le contraire qui advint. Ce sacrifice de nos camarades a finalement donné du courage et permis à l’hostilité contre l’occupant de franchir un cap. Le retentissement fut grand dans toute la France mais aussi à l’international. Roosevelt et Churchill condamnent l’exécution. À la B.B.C.., le général de Gaulle mit aussitôt en garde les oppresseurs : « En fusillant nos martyrs, l’ennemi a cru qu’il allait faire peur à la France et ailleurs ! La France va lui montrer qu’elle n’a pas peur de lui ». Louis Aragon écrit un texte, « Les martyrs », retraçant les dernières heures de nos camarades, qui sera diffusé sous le manteau en France mais aussi dans de nombreux pays du monde.
Comme l’a dit Georges Politzer, fusillé lui aussi le 14 mai 1942, « les barbares ont voulu les tuer, ils les ont rendus immortels ».
C’est à cet esprit de résistance que ces 27 ont donné corps.
Des grèves furent déclenchées pour dénoncer l’exécution de Châteaubriant comme celle des ouvriers de l’Arsenal de Brest le 25 octobre. Les Castelbriantais,
bravant l’occupant, sont plus de 5.000 à défiler dans la carrière et à y déposer des fleurs.
Ainsi, si les mouvements organisés de Résistance ont rassemblé seulement 2 à 3 % de la population française, ils n’auraient pu ni survivre ni agir sans de multiples solidarités populaires au-delà de leurs rangs. Des solidarités qui se construisent à partir des revendications concrètes, sur le pain, le ravitaillement, les conditions de travail, les prisonniers…Prises en charge par des organisations, ces revendications ont progressivement constitué un état d’esprit collectif qui a grandi et servi de terreau. Ce sont ensuite des militant.e.s et des réseaux organisés qui ont contribué à donner le sens et les perspectives à cet état d’esprit. Ainsi, malgré l’interdiction de la grève, cent mille mineurs du Nord-Pas-de-Calais arrêtent le travail en mai-juin 1941. Leur grève prive d’énergie et de transports la machine de guerre allemande, tandis que les grèves patriotiques d’octobre 1942 en France partent d’un atelier S.N.C.F. à Oullins, près de Lyon puis font tâche d’huile au niveau national. A chaque fois ces grèves avaient un motif patriotique, mais d’abord des revendications concrètes liées aux conditions d’exercice dans les mines et au refus d’aller travailler en Allemagne pour les cheminots.
Cet état des lieux incite à l’humilité mais aussi à l’optimisme. Une minorité lucide et déterminée peut gagner le soutien et l’implication d’une large majorité, en développant des micro solidarités et en démontrant que l’on est toujours mieux défendu ensemble que seul. La résistance commence par des engagements concrets, des gestes simples et immédiats. L’institution dans son quotidien d’une
sorte de réflexe de solidarité.
Gardons toujours en mémoire ce qu’a été le rôle de la classe ouvrière pendant cet épisode si sombre de notre histoire.
La classe dominante veut nous convaincre chaque jour que notre combat de transformation sociale est un combat du passé.
Mais que veulent-ils nous faire oublier ?
Qu’à plusieurs reprises dans l’histoire le monde du travail a su s’unir, se lever, bousculer l’ordre dominant et arracher le progrès social ?
Que dans les heures sombres de la guerre, le patronat avait choisi le camp de l’ennemi, criant « Plutôt Hitler que le Front populaire », rêvant de se venger de son humiliation de 36, de ces militants qui avaient eu l’affront de faire grève et d’occuper les usines pour arracher des conquêtes sociales majeures : augmentation des salaires, semaine de 40 heures, congés payés et premières conventions collectives.
Et bien nous, nous refusons d’oublier.
Nous refusons d’oublier par exemple qu’à Châteaubriant, la liste des 27 martyrs a été dressée par un patron français, Pierre Pucheu, qui commença par organiser en 1934 le financement de l’extrême droite par le comité des forges puis devint ministre de l’Intérieur du maréchal Pétain.
Nous refusons d’oublier et nous affirmons, haut et fort, que ce passé est notre fierté.
Nous avons une dette vis-à-vis de ces militants. Les mots inscrits, peu avant son exécution, par Guy Môquet sur une des planches de leur baraque : « Les copains qui restez, soyez dignes de nous ! » résonnent en nous et nous montrent le cap.
Dans la lettre qu’il écrit à sa famille quelques heures avant son exécution, il écrit « Certes, j’aurai voulu vivre, mais ce que je souhaite de tout mon cœur c’est que ma mort serve à quelque chose. »
Oui, Guy, ta mort aura bien servi à quelque chose. C’est grâce à la Résistance que nous avons gagné les grandes conquêtes sociales issues du programme du C.N.R. : la sécurité sociale, les comités d’entreprises, les nationalisations et la reprise en main de l’économie. C’est grâce à la Résistance que nous avons gagné la liberté, la liberté de la presse protégée des forces de l’argent, la liberté syndicale, la liberté d’association et d’expression. Et c’est aussi grâce à la Résistance des femmes que nous, les femmes, avons enfin conquis le droit de vote. C’était il y a 80 ans, le 21 avril 1944 suite à un amendement de Fernand Grenier, suivi ensuite par l’égalité salariale instituée en 1945 par notre camarade Ambroise Croizat.
Aujourd’hui, l’histoire bégaye. Dans de plus en plus de pays occidentaux l’extrême droite est aux portes du pouvoir. Pourquoi ? Parce que l’héritage de la résistance n’a jamais été aussi fragilisé.
Alors que le programme du C.N.R. avait mis à l’ordre du jour la justice sociale, la violence de la mondialisation néolibérale nourrit le désespoir, le ressentiment et le repli identitaire.
Alors que la résistance avait érigé une digue politique et morale face à l’extrême-droite, elle devient désormais fréquentable voire « nécessaire » pour une partie des classes dominantes qui préfèrent s’y allier plutôt que de céder de leurs richesses.
Alors que l’ONU a été créée en 1945 pour garantir la paix, le multilatéralisme n’a jamais été aussi affaibli et les conflits guerriers se multiplient, à commencer par celui du Proche-Orient et ses dizaines de milliers de victimes civiles.
Alors que la presse avait été protégée des forces de l’argent, elle est aujourd’hui possédée par quelques milliardaires, souvent au service de l’extrême-droite.
Alors, en ce moment de basculement, vous rendre hommage c’est tenter d’être à la hauteur de votre engagement. Aux heures les plus sombres de l’histoire, vous avez eu le courage de résister à l’ennemi tout en ayant l’incroyable clairvoyance de préparer le jour d’après. C’est exactement ce qu’il nous faut faire aujourd’hui.
Résister, c’est refuser toute compromission avec l’extrême droite. C’est combattre fermement le racisme et l’antisémitisme et s’opposer aux discours qui transforment les immigrés en boucs émissaires.
Résister c’est faire œuvre de lucidité et avoir le courage d’apporter des réponses à la hauteur de la catastrophe environnementale. C’est ouvrir des perspectives sociales rassembleuses pour sortir des replis identitaires.
Résister, c’est faire primer l’essentiel, notre humanité commune. C’est remettre les choses à l’endroit et redonner du sens à ce monde de fou, dans lequel l’argent devient la seule boussole.
Résister, c’est prendre ses responsabilités. Nous avons, grâce à notre détermination, réussi à empêcher l’entrée à Matignon de Jordan Bardella,
héritier d’un parti fondé par d’anciens Waffen SS. Soyons fiers de ce combat et conscients de ce que la fragilité de la situation exige comme sens des
responsabilités. Dire non ne suffit plus, il faut des alternatives, des perspectives de progrès social et environnemental. L’unité est le seul moyen d’empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir. Refusons, dénonçons sans relâche les petits calculs politiciens qui aujourd’hui comme hier remettent l’extrême-droite au centre pour empêcher les avancées sociales.
Les résistantes et résistants étaient jeunes, tournés vers l’avenir. Ne soyons jamais nostalgiques ou donneurs de leçons. La résistance est partie d’hommes et de femmes déterminés et souvent militant.e.s qui ont eu pour stratégie de s’appuyer sur les problèmes concrets de la population pour créer des solidarités et une défiance au régime de Vichy et aux nazis. Ainsi, des milliers de personnes qui ne l’auraient jamais imaginé y ont participé à leur échelle à travers de multiples solidarités dans leur quotidien. Et ce sont souvent les militants et militantes qui ont donné le sens et les perspectives.
Partir du quotidien. De la question de la dignité pour ne pas courber la tête.
Rassembler par en bas et s’appuyer sur les pratiques et aspirations démocratiques. C’est de tout cela dont nous devons nous inspirer. Et aussi de la grande qualité des résistants et des résistantes. L’optimisme. Pas un optimisme béat ou langue de bois. Mais un optimisme de combat. L’histoire le montre. La clairvoyance et la volonté de quelques-unes et de quelques-uns permet de déplacer des montagnes. Rien n’est écrit d’avance. L’optimisme est ce qui permet de rassembler, de relever la tête.
Madelaine Riffaut, immense résistante, militante de la C.G.T. qui fut entre autres journaliste à la vie ouvrière, et qui vient de fêter ses 100 ans nous dit : « Nous avons un message à transmettre, celui de l’esprit de Résistance : ne jamais pleurer sur l’état de son pays ou sur son propre sort. Aucune cause n’est jamais perdue sauf si on abandonne. Je ne suis pas une victime je suis un résistant. C’est en gardant cela en tête que les gens ont tenu dans les prisons de la Gestapo, les maquis, ou les camps de concentration. »
Dans les moments de doute, de fatigue, de désespoir - car il y en a ! - rappelons-nous ces paroles, rappelons-nous ces parcours.
Je tiens, au nom de toute la C.G.T., à vous adresser, à vous, les 27 fusillés de Châteaubriant, à vous les centaines de milliers de résistants et de résistantes, un immense merci. Merci camarades. Vous êtes notre honneur, vous êtes notre fierté, vous êtes notre boussole.
Pour finir, je tiens à saluer le travail réalisé par l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt, née il y a 79 ans de la volonté des anciens internés du camp et des familles de fusillés.
La C.G.T. en est partie prenante depuis son origine. C’est d’ailleurs un syndicaliste, un dirigeant C.G.T. de la fédération de l’Énergie, Léon Mauvais, qui s’évada du camp de Châteaubriant avec Eugène Henaff en juillet 1941, qui en fut le premier président. Nos pensées vont vers Odette Nilès, grande résistante, « fiancée » de Guy Môquet qui n’aura jamais pu l’embrasser à cause des barbelés du camp.
Ancienne présidente de l’association, Odette a mis infatigablement et jusqu’à son dernier souffle l’année dernière, toute son énergie dans cette bataille mémorielle essentielle.
À n’en pas douter, l’Amicale a encore de beaux jours devant elle et tu sais, chère Carine Picard-Nilès que tu peux compter sur l’engagement total de notre confédération.
Je vous remercie.
07/10/2024 - Ouest-France | Anonyme : Sophie Binet rendra hommage aux fusillés de 1941. (Pdf)
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Autres cérémonies dans le cadre du 83e anniversaire
Le matin du dimanche 20 octobre 2024 s’est tenue la cérémonie en hommage aux neuf fusillés du 15 décembre 1941 dans la forêt de La Blisière à Juigné-des-Moutiers.
Il y a un peu moins de 83 ans, en représailles à une série d’attaques contre les forces d’occupation, les nazis déclenchèrent l’exécution jusque-là la plus massive sur le sol français.
Le 15 décembre 1941, soixante-neuf hommes sont extraits du camp de Drancy pour être exécutés au Mont-Valérien, treize seront fusillés à Caen et quatre autres à proximité de la prison de Fontevraud.
Au camp de Choisel, ce sont neuf otages qui ont été désignés pour le peloton. On vient les chercher dans leur baraque. Même si les autorités allemandes à Châteaubriant ont informé la population que plus aucun otage de Choisel ne serait fusillé, eux savent alors ce qui les attend. Ils vivaient quotidiennement avec cette menace au-dessus de leur tête depuis le mois d’octobre dernier. Ils s’appellent Adrien Agnes (42 ans), Louis Babin (52 ans), Paul Baroux (31 ans), Raoul Gosset (42 ans), Fernand Jacq (32 ans), René Perrouault (45 ans), Pierre-Maurice Pillet (39 ans), Georges Thoretton (27 ans) et Georges Vigor (42 ans). Ils ont été choisis pour leur militantisme avant-guerre, leur ex-responsabilité syndicale, voire leurs actions dans le camp…
Sous la menace de la Wehrmacht, ils montent dans deux camions bâchés pour une destination alors inconnue. Pour ne pas attirer l’attention des habitants, leur escorte allemande contourne soigneusement Châteaubriant par la route de Fercé, prend le chemin de la Baguais, puis la route de Vitré et se dirigent vers le Val-Fleury et le bourg de Soudan.
Les véhicules prennent enfin la direction de Juigné-des-Moutiers, s’arrêtent au bout d’un chemin forestier dans une forêt privée. Là où nous nous trouvons.
La Blisière était à l’époque, à ce qu’on m’a dit et ce que j’ai pu en lire, une clairière paisible, mais très agréable l’été où de nombreuses personnes venaient s’amuser près d’un étang et d’une guinguette saisonnière. Les forces d’occupation l’avaient repérée. Assez reculé comme vous pouvez le constater, le lieu se prêtait parfaitement à des actes d’exécutions sommaires en toute discrétion, loin des regards et du tumulte des villes. On peut imaginer qu’en décembre, avec ces grands arbres dépourvus de feuilles, le vent froid, l’air humide ajoutaient à l’atmosphère pesante, à la gravité de l’instant, au sentiment d’abandon que devaient ressentir les otages.
Là, à l’intérieur de la guinguette, les neuf otages sont invités à rédiger leur toute dernière lettre. Quelques minutes ou dizaines de minutes plus tard, les soldats allemands les conduisent dans la clairière non loin de là, avant de les attacher à des arbres. On connaît le triste protocole. Il est 15 h quand les salves se font entendre, dispersant des nuées d’oiseaux. Des témoins ont rapporté que, lors du passage retour des camions à Soudan, du sang s’écoulait par les portes des véhicules. Les corps furent dispersés dans trois cimetières des environs, pour éviter que les Castelbriantais notamment puissent se recueillir en masse sur la tombe des martyrs.
Cela faisait quatre mois que le premier attentat sur un officier allemand, au métro Barbès par le futur Colonel Fabien, avait été perpétré. Et cela faisait trois mois à peine que la politique des otages avait été promulguée par Hitler.
En ce jour de mémoire, parce que je suis moi-même descendant de fusillé, et parce qu’une grande partie de ma famille a été, d’une manière ou d’une autre, victime de la répression fasciste, je veux avoir une pensée particulière pour les victimes collatérales de cette sinistre exécution, notamment les femmes. Car ces hommes avaient des mères, des sœurs, des filles, qui les ont pleurés. Des camarades au camps aussi. L’une d’elles était ma grand-tante.
Ces traumatismes ont été transmis de génération en génération, parfois dans un silence dévastateur.
Et pourtant, nous devons toujours savoir tirer les leçons du passé. Toujours transmettre cette mémoire avec la même vigueur. Ne jamais nous reposer tant que la Bête est là, qui ose dorénavant se manifester à visage découvert, se nourrissant de frustrations et de peurs irraisonnées, plus forte que jamais.
Pouvons-nous raisonnablement, aujourd’hui, nous autoriser à penser que nous sommes à l’abri du sort de ces fusillés ? Pouvons-nous aujourd’hui être assurés que dans un an, dans deux ans, dans dix ans, nos enfants ou nos petits-enfants ne seront pas internés dans des camps parce que nos dirigeants estimeront que la société doit se préserver de nos idées de tolérance, de nos valeurs morales progressistes. Parce qu’on pense différemment. Parce qu’on prône le partage là où d’autres sauvegardent jalousement la captation individuelle des richesses. Parce qu’on met au premier plan l’environnement quand d’autres y mettent l’économie. Parce qu’on privilégierait l’ouverture fraternelle aux autres peuples du monde quand d’autres préféreraient se complaire dans l’entre-soi communautaire. Parce qu’on veut favoriser l’inclusion là où d’autres cherchent l’exclusion.
Plus que jamais, soyons vigilants et mobilisés.
Je vous remercie !