Nous nous relayons pour porter la gerbe car le chemin est long à pied. C’est loin des regards ! Le matin est froid et sec au bord de l’étang de la Blisière où ont été fusillés nos camarades le 15 décembre 41. Il n’y a plus qu’un arbre aux stigmates des balles nazies maquillé de bleu blanc rouge. Les autres le temps les a couchés. Un est au sol en débris. Comme une tâche de sang, seule un morceau d’écorce peinte de rouge subsiste. Le roc gravé qui sert de mémorial résiste. Les fleurs enrubannées sont posées devant et nous nous inclinons pour une minute de silence.
Place Fernand Grenier, une manifestation d’enfants brandissant des portraits de femmes résistantes et des panneaux avec le mot « Paix » dans plusieurs langues arrive. Le cortège se rassemble et va à la Carrière des fusillés d’un pas alerte.
Plus de 3000 hommes, femmes et enfants sont venus cette année pour la commémoration du souvenir des 27 otages fusillés le 22 octobre 1941. Un pied de nez à la venue du Chef de l’état qui n’a pas été aussi rassembleur en ce même lieu le mois précédent !
L’hommage est rendu, les noms des fusillés sont énumérés, les gerbes sont déposées.
« Les femmes dans la résistance » est le thème de cette année. Odette Nilès, résistante et amie de camp de Guy Môquet ainsi que Présidente de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé fait un discours témoin de la mémoire combative emprunte d’émotions. Marie-George Buffet, Secrétaire nationale du PCF, est invitée alors à la tribune. Le verbe est affirmé. Dans le prolongement de l’allocution de notre oratrice précédente, les combats présents et à venir sont déclinés. Le programme du CNR est en péril !
L’évocation artistique théâtrale et musicale illustre avec brio le thème choisi. Les acteurs sont castelbriantais et amateurs. En coulisse, « la religieuse » cherche à cacher ses alliances qu’elle n’a pas retirées. L’enfant est intrigué par les armes des « allemands ». « L’allemand », la larme au bord des yeux, me confie qu’il n’en dort pas la nuit de son rôle. Je le rassure. Comme une carte postale d’époque, des vrais amoureux s’enlacent et s’embrassent.
Le visage rouge, les yeux brillants et la voie tremblante, un porte-drapeau m’interpelle à mon passage. « Il fait beau ; Le même temps ! C’est l’heure. : les premiers sont tombés ! Le lendemain, ici même, c’était rouge de sang, on ne pouvait éviter de marcher dessus ! » me murmure t’il. Ses lèvres tremblent ; Une larme coule. Mes yeux se troublent. Je lui réponds : « On est là ! On fera tout pour être digne ». Il fait très chaud.
Patrice MOREL
Le 24/10/2007