le genre humain

Le Manifeste - N° 9 - Septembre 2004

 

Athènes
Les seigneurs des anneaux !

Alors que télévisions, radios, journaux ont pendant quinze jours centré l’essentiel de leurs informations sur les Jeux Olympiques, il est nécessaire de remettre l’événement en perspective.

Pendant que les athlètes concouraient pour l’or, une autre compétition se déroulait en parallèle… pour l’argent. Les spécialistes ont calculé que l’événement serait suivi au total par un peu plus de 4 milliards de téléspectateurs… donc de consommateurs en puissance : une manne pour ceux qui ont quelque chose à vendre et surtout les moyens d’annoncer.

Des chiffres
pharamineux

Ceci explique le budget totalement démesuré des JO : 1,960 milliards d’euros, soit près de 13 milliards de francs, chiffre couvert à hauteur de 1,2 milliards d’euros par l’ensemble des télévisions du monde et 576 millions d’euros par le sponsoring, dont 276 millions d’euros pour les seuls « sponsors officiels du Comité olympique », soit onze multinationales qui ont investi en moyenne 25 millions d’euros dans l’événement proprement dit et trois fois plus en communication. Ces chiffres pharamineux ne peuvent s’expliquer que par les profits considérables que ces firmes réalisent sur l’ensemble de la planète, et parmi elles, bien entendu, huit sont américaines : Coca-Cola, Mc Donald’s, Schlumberger-Atos, Xerox, Visa, Sport Illustrated, John Hancock.
Les autres annonceurs, qui ont investi des sommes moindres mais néanmoins considérables, ont été classés en trois catégories : les « grands partenaires » (Heineken, Hyundaï…), les « supporteurs officiels » (Adidas, Shell, General Electric, Waste Services…) et les « fournisseurs officiels » (Mizuno, Mondo…). Rien que du beau monde, le leitmotiv du Comité international olympique étant de privilégier la qualité des partenaires par rapport à la quantité, afin « de mieux maîtriser l’aspect commercial des jeux ». On ne peut pas être plus clair.
 

Contreparties…

En contrepartie, les annonceurs avaient naturellement des exigences à la hauteur de leurs investissements. Ainsi, sur les 50 sites où se déroulaient les épreuves, les spectateurs ont été fouillés à l’entrée. Ils ne pouvaient amener ni boisson – à l’exception de Coca-Cola – ni nourriture. En revanche, à l’intérieur, ils pouvaient acheter des bouteilles d’Area – eau minérale locale propriété de Coca-Cola, d’Heineken – qui bénéficiait de l’exclusivité des boissons alcoolisées –, et des Mac Do pour manger. Ils ne pouvaient pas porter de vêtements, chapeaux, sacs à l’enseigne des concurrents, ni faire de la publicité pour ces derniers sous quelque forme que ce soit… Les distributeurs de billets n’acceptaient que les cartes Visa… Bel exemple de la libre concurrence que ne cessent de prôner les tenants du libéralisme. Mais au fond, rien n’obligeait les spectateurs à se rendre aux stades.

Course aux profits

L’ensemble des médias ont été peu diserts sur les revers de la médaille et sur les différentes actions de contestation menées par plusieurs ONG qui ont tenté de profiter de l’événement pour mener des campagnes de sensibilisation, en particulier sur la manière dont sont produits en Asie et en Europe de l’Est les articles sportifs des grandes marques Nike, Adidas, Puma et autres Reebok. Pour améliorer leur image de marque, ces sociétés ont signé des chartes de bonne conduite. Dans les faits, grâce aux bureaux de représentation locaux et à des cascades de sous-traitants, elles continuent d’exploiter sans vergogne les ouvriers qui fabriquent leurs produits, tout en s’exonérant de la moindre obligation sociale (mécanisme que l’on retrouve à tous les échelons, en France par exemple, sur les chantiers du Queen Mary II ou du futur immeuble du Monde construit par Bouygues).
Le CIO, saisi du problème et invité à se prononcer, a refusé de se tirer une balle dans le pied et de recevoir la représentante d’une ONG porteuse d’une pétition comprenant 540 000 signatures : les contrats de sponsoring constituent sa deuxième ressource après les droits télévisés. Belle illustration d’esprit olympique.

Louis Alexandre